Il y a de cela, bien des années, une famille de bonne envergure vivait dans le centre de Londres. Non loin des jardins de Kensington où ils aimaient passer leur après-midi. La famille Barrie avait deux enfants, deux chérubins des plus charmants, bien éduqués et très cultivés, ce qui ravissait toute la famille. Georges, le père, était un homme de renom, il travaillait à la bourse sans répit pour combler tous les besoins de sa chère et tendre famille. Elisabeth, la mère, quant à elle ne travaillait guère, du moins pas vraiment. La dame était une conteuse d’histoire, quand elle le pouvait, elle se rendait à la librairie après la sortie des écoles pour partager un goûter avec les enfants et leur conter des histoires plus fantastiques les unes que les autres. Certains adultes trouvaient tout ça bien grotesque mais elle s’en moquait. Elle ne pouvait s’empêcher de rayonner, comme un soleil, en voyant des étoiles surgir au fond des yeux de chaque enfant amoureux de ses histoires. Parmi ses plus grands fans se trouvaient son fils, son tendre amour, et sa merveilleuse fille, Mary. Quand elle finissait la lecture à la librairie, qui se trouvait non loin de chez eux, elle passait par le parc tenant dans chaque main l’une de ses enfants. Ils traversaient alors tous trois les jardins de Kensington, sans jamais cesser d’imaginer de nouvelles aventures qui parleraient de dragons, de pirates et autres princesses. La famille était heureuse et chaque jour passant, les comblait encore plus de bonheur que le précédent...

Cependant cela ne devait pas durer. Leur fils tomba gravement malade, une grippe, plus importante, qui malgré les traitements ne voulait point quitter le corps du garçon. Les Barrie ayant quelques économies avaient demandé à ce qu’un médecin se trouve sans cesse au chevet de leur jeune garçon. Mary était partie chez sa tante afin de ne pas tomber également malade. Le garçon allait mal, les seuls sourires qu’il arrivait à adresser étaient pour sa mère quand celle-ci lui contait des histoires. Et la seule chose qui demandait c'était que la fenêtre soit ouverte surtout lors de ses violentes poussées de fièvre. Il lui demandait qu’elle lui parle encore et encore de cette île imaginaire où tout était possible, même de voler dans le ciel. Alors il s’endormait paisiblement pour quelques pauvres heures de sommeil et il voyageait. Il voyageait sur cette île ruisselante de trésors et de merveilles. Il créait au gré de ses envies, végétation, flores et puis quand cela lui sembla vivable, il se mit à créer la magie pour que l’île puisse demeurer encore, même après sa mort qu’il savait proche. Les fées arrivèrent en premier naissant dans les éclats de rire des enfants, chaque nouveau-né offrait une nouvelle fée au Pays Imaginaire. Puis se fut le tour des indiens qui s’occupèrent de cultiver et nourrir l’île, et enfin les sirènes qui rendirent le tout encore plus beau et magique. Il était fasciné et chaque fois qu’il y retournait tout semblait un peu plus réel. Et un matin, ce fut la fin. Elisabeth ignorait si son petit garçon avait trouvé refuge au sein de Neverland. Dans ses dernières heures il n’avait eu de cesse de répéter « maman n’est pas peur, je vais à Neverland ». Elle pressa la main de son petit garçon contre son cœur, laissant échapper quelques larmes. Ayant la vague impression d’un présence qui lui caressait tendrement la joue...

La famille Barrie ne se remit jamais vraiment de la mort de leur fils, ils n’eurent pas la force de changer de maison, il le sentait si présent dans celle-ci. Ils n’avaient d'ailleurs jamais refermé la fenêtre. Les Barrie étaient dans le deuil depuis bientôt deux ans et rien ne prouvait qu’ils s’en remettraient un jour. Pourtant leur fils leur avait souvent rendu visite, restant caché derrière la fenêtre à regarder sa mère pleurer sur son ancien lit. Il aurait aimé pouvoir la serrer contre lui mais il n’en pouvait rien, c’était le prix à payer pour ne pas mourir. Il avait trouvé son Pays Imaginaire, son Neverland, sa création, son île. Il y était le roi, mais roi de quoi, il se sentait terriblement seul. Pas d’amis, personne à qui raconter ses aventures, même le peuple de son île fuyait à sa venue. Un soir alors qu’il était allongé sur le toit de sa maison il entendit les prières de sa petite sœur, Mary. « Ma bonne étoile, s’il te plait, j’aimerais revoir mon grand frère. Il me manque et je n’ai pas pu lui dire au revoir. Juste un jour, même une petite heure. Je t’en supplie exauce mes prières. » Quand il se dressa devant la fenêtre, la petite fille aux boucles d’or s’était déjà cachée sous sa couette. Il poussa doucement la fenêtre, franchissant une limite qu’il n’avait jusqu’à lors jamais osé franchir. Il se dressa au-dessus du lit de sa petite Mary et essaya du mieux qu’il le pouvait de l’appeler. « Mary... Mary... Mary... C’est moi. » La petite eut un sursaut, agrippant sa couette pensant que celle-ci la protégerait. Elle n’en revenait pas que sa bonne étoile l’ait entendu aussi rapidement. Mary aurait aimé sauter au cou de son frère mais elle savait que c’était impossible, cependant celui-ci pouvait l’emmener dans un endroit où tout était possible. Il ouvrit sa main, comme pour lui envoyer un baiser et souffla un grand coup, laissant ainsi s’envoler la poudre de fée qui ruissela sur la jeune enfant, comme un rideau de pluie. Elle ne put s’empêcher de laisser échapper un éclat de rire, un son si cristallin, qu’une autre fée aurait pu voir le jour, si elle n’avait pas déjà donné naissance à l’un de ces petits êtres fantastiques. Les deux enfants Barrie s’envolèrent alors main dans la main pour Neverland.

Mary devint ainsi la première enfant de Neverland, elle adorait ce monde et tout ce qui s’y trouvait. Elle rendait visite aux sirènes qui prenaient plaisir à jouer avec l’enfant, l’éclaboussant gentiment, la petite Mary passait également beaucoup de temps avec les indiens, elle aimait se faire peindre le visage et partir en quête de baies sauvages. Son frère lui apprit tout ce qu’elle devait savoir sur les dangers de l’île mais également sur les offrandes de cette dernière. Elle eut même le droit de rencontrer la Reine des fées, qui portait pour l’occasion une robe sublime quand bien même la petite Mary portait toujours la même chemise de nuit depuis des heures, des jours ou des mois. A vrai dire elle ne s’en souvenait même pas, mais les fées lui promirent de lui confectionner une robe digne de ce nom. Les jours passèrent et devinrent des mois. Au final une année entière s’était écoulée et si, jusqu’à ce jour, la jeune Mary n’avait eu de cesse que de rire et de jouer, à présent elle voulait rentrer chez elle. Elle voulait retrouver ses parents, ses amies, retourner à l’école pour coudre et par-dessus tout, retrouver son lit. Elle ne serait jamais assez reconnaissante de tout ce que lui avait appris son grand frère mais à présent elle se devait de rentrer. Tout ceci était un tendre rêve mais il se devait de prendre fin. Son frère fut pris d’une immense colère mais respecta la volonté de sa chère sœur Mary, la ramenant à leur maison. La fenêtre ne s’était jamais fermée, il était venu plusieurs fois, regarder sa mère dormir sur le lit de Mary mais il n’avait jamais pensé au mal que l’absence de sa petit sœur pouvait avoir sur ses parents. Il adressa un simple au revoir à sa petite sœur qui ne s’arrêta pas de le remercier pour chacune des choses qu’il lui avait fait découvrir et le cœur déchiré, il s’en alla, se promettant de ne plus jamais revenir.

Au fil du temps l’île devint plus sombre, le garçon devint l’ombre de lui-même sa faisant connaître sous le nom de Shadow. Il sema la pagaille autour de lui, divisant les habitants du Pays Imaginaire, faisant promettre aux sirènes de noyer toute petite fille s’approchant d’un peu trop près de l’île... Les années s’écoulèrent et à la grande surprise des habitants de Neverland, l’Ombre amena un nouvel enfant, un garçon cette fois-ci. Un garçon qui ressemblait comme deux gouttes d’eau au jeune homme qu’avait pu être autrefois l’Ombre. Il misa sur le jeune garçon et il n’eut pas tort. Peter Pan vit ainsi le jour, il était la fierté de l’île mais surtout la fierté de l’Ombre. Ce dernier savait qu’il pouvait faire confiance pour diriger l’île pendant qu’il s’en allait voguer à travers le monde, promettant au jeune Peter de lui ramener un nouvel ami à chacun de ses voyages. Les garçons perdus firent alors leur apparition. Des enfants oubliés par leurs parents ou tombés de leurs poussettes et n’ayant pas été réclamés après dix jours. Neverland vivait à nouveaux, les enfants ne cessaient de rire et de jouer... Le temps poursuivit sa course furibonde et bientôt les enfants perdus voulaient plus que ce que l’Ombre pouvait offrir. Alors un jour l'Ombre ramena une Wendy, une conteuse d’histoire. L’Ombre l'avait choisi car les traits de la jolie demoiselle lui rappelaient ceux de sa tendre petite sœur...